L’intelligence Collective au Service de l’Adaptation aux Grands Défis

Face aux grands défis, tels que les changements climatiques, environnementaux, technologiques et sociétaux, les organisations recherchent des nouvelles manières de trouver des solutions concrètes à ces problèmes afin de les transformer en opportunités. Il apparaît de plus en plus clairement que ces solutions doivent être le fruit d’innovations radicales pour continuer à occuper des niches à fort potentiel dans un monde qui change très vite. 

Cependant, le problème des innovations radicales pour les organisations est qu’elles nécessitent une adaptation importante de l’outil de production et donc des coûts d’investissement importants. Dès lors, l’innovation dite “architecturale” ou “modulaire” apparaît comme une solution qui combine le meilleur des deux mondes (1): il s’agit d’inventer des innovations radicales en ajoutant un petit nombre de nouveaux composants s’articulant correctement, i.e. de manière modulaire, avec des composants existants (2). Ces composants peuvent être complètement nouveaux et créés pour l’occasion par l’organisation. Ils peuvent aussi être, plus probablement, sourcés à l’extérieur de l’organisation. L’innovation radicale-modulaire surgit donc de la confrontation constructive entre la recherche & développement traditionnelle au sein de l’organisation et l’innovation ouverte permettant de balayer très rapidement un grand nombre de composants extérieurs pouvant se combiner intelligemment avec les composants déjà maîtrisés par l’organisation.

Même si elle est modulaire, l’innovation radicale reste compliquée dans un monde en changement, et donc très incertain. Selon le principe de la théorie des options (3), plus le futur est incertain, plus il faut diversifier ses options. Dès lors, il s’agit d’explorer un vaste espace de solutions possibles pour trouver et intégrer les “perles rares”. L’intelligence collective (4) aide justement à explorer ces vastes espaces de solutions, en diversifiant les perspectives: plus il y a de personnes et plus diversifiés sont leurs profils, en termes d’expertise et de culture, plus les chances sont grandes de trouver une solution non triviale viable. 

Concrètement, le défi qui se pose pour faire émerger l’intelligence collective est celui qui consiste à organiser la collision des perspectives dans un groupe de personnes ayant des profils divers, puis l’intégration du savoir pertinent de chacun en une solution qui est plus que la somme des parties. Pour cela, un certain nombre de recommandations peuvent être formulées:

  • Organiser les sessions d’intelligence collective dans un tiers-lieu, si possible un lieu emblématique et inspirant, en mélangeant des personnes en interne et des personnes extérieures, dans les deux cas bien choisies pour leur esprit rebelle mais bienveillant (5). Dans ces sessions, il n’y a ni expert, ni coach, ni facilitateur, tout le monde a le même statut social, celui de personnes qui cherchent ensemble à trouver des solutions (6).
  • Donner un but d’impact social clair (i.e., purpose) qui permet aux participants de se projeter et d’investir leur motivation intrinsèque au delà des contingences du “daily business”, 
  • Donner suffisamment de temps, sans trop, pour converger vers une solution concrète (i.e., 8, 12 ou 24 heures). La limite de temps et l’objectif de solution concrète forcent les participants à rechercher ensemble des solutions possibles, mais aussi à laisser rapidement de côté celles qui sont les moins pertinentes.

(1)  Henderson, Rebecca M., and Kim B. Clark. “Architectural innovation: The reconfiguration of existing product technologies and the failure of established firms.” Administrative science quarterly (1990): 9-3

(2) Note : Ces composants peuvent être “hardware” mais aussi “software”, i.e. il peut s’agir de code logiciel ou toute autre sorte de propriété intellectuelle ou de savoir.

(3) Van Bekkum, Sjoerd, Enrico Pennings, and Han Smit. “A real options perspective on R&D portfolio diversification.” Research Policy 38.7 (2009): 1150-1158.

(4) Malone, Thomas W. “How human-computer ‘superminds’ are redefining the future of work.” MIT Sloan management review (2018).

(5) Gino, Francesca. Rebel talent: Why it pays to break the rules at work and in life. Pan Macmillan, 2018.

(6) Note : les différences de statut social dans un groupe génèrent des phénomènes d’autocensure néfastes à l’intelligence collective.

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