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Le pouvoir des hackathons : perspectives et impact de la recherche
Interview avec Thomas Maillart, fondateur d’Open Geneva et maître de conférences à l’Université de Genève
Thomas Maillart, fondateur d’Open Geneva et maître de conférences à l’Université de Genève, dirige les travaux de recherche sur les hackathons. Nous nous sommes entretenus avec lui pour discuter des motivations derrière ce travail, des résultats obtenus et des prochaines étapes.
Pourquoi avoir lancé un travail de recherche sur les hackathons?
Au début d’Open Geneva, nous avions un problème concret de personnes qui s’inscrivaient aux hackathons, mais qui ne venaient finalement pas, d’autant plus que notre philosophie est de ne pas donner de prix monétaires, mais plutôt symboliques. Nous avons très rapidement compris que si nous voulions augmenter la rétention de participants, il fallait d’une part faire mieux connaître la pratique des hackathons, et d’autre part mieux comprendre les attentes des participants et en quoi le hackathon peut constituer un moment révélateur d’un changement de paradigme a titre personnel.
Quelles types de données cherchez- vous à récolter?
Actuellement, les données collectées sont issues de deux questionnaires proposés aux participants, avant et après le hackathon. Outre des données démographiques (e.g., âge, niveau d’études, statut socio-professionnel), Open Geneva et ses partenaires en Asie demandent aux participants de répondre à trois types de questions. Premièrement, nous voulons connaître le niveau de familiarité des participants avec les hackathons. Deuxièmement, nous cherchons à comprendre quelles sont les attentes des participants, quelles sont leurs motivations à participer, et quel(s) rôle(s) ils entendent jouer au sein du groupe auquel ils vont se joindre. Suite au hackathon, nous cherchons à comprendre dans quelle mesure leur expérience a confirmé, ou au contraire infirmé, leurs attentes.
Quels sont les premiers résultats ?
Les recherches sont menées par un consortium mené par l’Université de Genève, en collaboration avec l’Université de Tsinghua, Montpellier Business School et l’institut des Nations unies pour la formation et la recherche (UNITAR).
Les résultats montrent que les hackathons organisés par Open Geneva, et par ses partenaires en Asie sur le modèle d’Open Geneva, ont des caractéristiques très spécifiques. Ils attirent principalement des populations qui ont un intérêt très fort pour les buts des hackathons, qui sont très souvent liés à l'avancement des objectifs du développement durable (ODD). Ces participants sont motivés intrinsèquement et ne cherchent pas nécessairement une récompense autre que le plaisir de l’expérience collective et de faire avancer des causes liées à des défis environnementaux, sociaux, et humains. Les participants cherchent en outre à trouver un environnement ludique dans lequel personne ne va les juger, ce qui permet de libérer sa créativité, tout en faisant face à deux types de pressions: (i) le temps limité pour trouver une solution pratique et (ii) une forme de pression sociale puisqu’à la fin les participants doivent présenter leurs résultats de manière convaincante.
Qu'est-ce qui vous a le plus marqué dans ces derniers?
Parmi ces résultats, il a été trouvé que les hackathons renforcent la motivation intrinsèque, i.e., les participants qui contribuent pour le plaisir ou pour un but collectif. Cependant la motivation extrinsèque, telle que la réputation ou l'acquisition de nouvelles expertises, reste nécessaire pour que les participants voient de la valeur au hackathon. Cela veut dire qu’il est très important pour Open Geneva de bien considérer quelles sont les opportunités qui s’ouvrent aux participants, avant, pendant et après le hackathon. Cela nous a mené à reconnaître qu’au-delà d’un moment d’innovation, les hackathons sont surtout un moment d’apprentissage collectif, qui peut être reconnu comme tel. Ainsi, Open Geneva a conclu un partenariat stratégique avec UNITAR pour certifier les hackathons comme un moment d’apprentissage.
Quelles sont les prochaines étapes de recherche?
Une question qui revient constamment concerne les effets à court, moyen et long terme des hackathons. Cette question de recherche sera investiguée durant la première partie de l’année 2023. Une autre question concerne le changement de paradigme, c’est à dire dans quelle mesure la participation à un hackathon d’impact du type de ceux d’Open Geneva permet aux participants de considérer le monde sous un jour différent, dans lequel l’innovation est le fruit de l’ouverture, de l’intelligence collective qui naît de la diversité des contributions, et dont les buts sont socialement et technologiquement alignés avec les grands défis climatiques, environnementaux, socio-économiques et politiques.
Notre recherche montre que l’intelligence collective augmente les chances de trouver des solutions efficaces pour relever des défis majeurs tels que le changement climatique, les préoccupations environnementales, les avancées technologiques et les évolutions sociétales. Explorer une large gamme de solutions est crucial pour découvrir des insights précieux, et les formats comme les hackathons ou la co-création améliorent ce processus en unissant des perspectives et expertises diverses.
Les témoignages de notre communauté à Genève et à travers le monde montrent que nos expériences uniques de co-création offrent une riche source d’enrichissement personnel et de développement, tout en créant un but et une réalité partagés. Cet alignement collectif est essentiel pour faire face aux défis critiques de nos sociétés.